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Mal-logement à La Réunion : état des lieux, chiffres clés et leviers d’action

image représentant une personne devant la porte d'un logement. Il est écrit en titre l'état du mal logement à la réunion

« Le logement vous rend ce que la rue vous a pris »

Ce message fort, porté par la Fondation pour le Logement, a ouvert une journée d’échange consacrée au mal-logement organisée au Cinépalmes de Sainte-Marie, le 24 avril 2025, réunissant acteurs publics, bailleurs sociaux, associations et collectivités. L’événement a mis en lumière les défis structurels liés au logement sur l’île, ainsi que les pistes de solutions proposées par les acteurs de terrain.

Le mal-logement à La Réunion : des indicateurs en forte baisse

Christophe Robert, Directeur général de la Fondation, a introduit la journée avec un rappel des grandes tendances nationales, parmi lesquelles :

– Une baisse du nombre d’attributions de logements sociaux : de 500 000 en 2015 à 393 000 en 2024.
– Une réduction du nombre de logements sociaux financés : 120 000 en 2016 contre 84 000 en 2024.
– En parallèle, le nombre de logements mis en chantier chute à 259 000 en 2024, contre 435 000 en 2017.

Ce recul impacte directement les politiques locales sur l’île. Malgré un tissu partenarial solide, le Logement d’Abord risque de ralentir dans les années à venir. Le tout dans un contexte où l’effort public, en pourcentage du PIB, est passé de 2,2 % à 1,5 % entre 2010 et 2023, a ajouté Noria Derdek, responsable d’études juridiques à la Fondation.

Précarité et pression sociale sur le logement

Selon Matthieu Hoarau, Directeur régional de la Fondation qui s’appuie sur les chiffres de l’INSEE, 36 % de la population réunionnaise vit sous le seuil de pauvreté, contre 14,9 % de la population en métropole. Certaines personnes consacrent d’ailleurs jusqu’à 85 % de leurs revenus à leur loyer, sur une île où le coût de la vie est 8,9 % supérieur qu’en métropole en 2022.

« La fabrique du sans-abrisme tourne à plein régime »

une personne avec un micro à la main parle face à son pupitre et à la foule, sur une scène

La situation se dégrade également en matière d’expulsions :

– Concours de la force publique : 324 en 2023 contre 174 en 2022.
– Expulsions exécutées : 77 en 2023 contre 56 en 2022.

Dans ce contexte, la fréquentation des trois boutiques solidaires de la Fondation à la Réunion a triplé entre 2019 et 2024. Le besoin d’accompagnement social et de coordination entre les acteurs du premier accueil est donc de plus en plus important.

Les bailleurs sociaux signalent une hausse des expulsions, souvent sans accompagnement social adapté. Or, plusieurs retours rappellent qu’une expulsion coûte, à terme, plus cher qu’un maintien dans le logement.

Focus : le mal-logement des personnes âgées à La Réunion

Elise Rougemont, responsable du pôle Logement d’abord, a présenté un état des lieux sur les seniors. Au 1er janvier 2025, 23 % de la population réunionnaise a plus de 60 ans.

Trois facteurs de vulnérabilité viennent appuyer les conditions de précarité des personnes âgées.

– Un taux de pauvreté plus important qu’en métropole, en raison d’un SMIC revalorisé que tardivement, en 1996, réduisant donc la pension de retraite d’une grande partie de la population réunionnaise. En effet, cette pension est de 1180 € brut moyenne pour plus de 1600 € brut en métropole.
– Une perte d’autonomie précoce, avec des problèmes de santé aigus et qui impactent à terme leur santé.
– Un isolement social important face aux jeunes : en 2021, 36% des personnes de plus de 80 ans vivent seuls.

De plus, la Réunion a le plus bas taux d’équipement en places d’hébergements de toute la France. En cause, un nombre d’EHPAD et d’autres structures dédiées aux personnes âgées en retrait.

Table ronde : Les personnes âgées précaires face au mal-logement à la Réunion

Lors de la table ronde, plusieurs intervenants ont mis en lumière les difficultés rencontrées par les personnes âgées en matière de logement à La Réunion, ainsi que les actions déjà engagées.

plusieurs personnes avec un micro à la main parle face à leur pupitre et à la foule, sur une scène

Claudie Daly, Directrice générale adjointe du développement territorial au TCO (Territoire Ouest), a rappelé que depuis 2013, son équipe mène des études de terrain sur le mal-logement dans les hauts du territoire ouest, zones souvent isolées. Depuis 2021, le Territoire Ouest cherche à mettre en place des partenariats avec les CCAS et les communes de l’Ouest pour accélérer les interventions et la réalisation de travaux dans les logements de personnes âgées. Toutefois, des délais persistants freinent parfois les améliorations nécessaires, au point que certaines demandes n’aboutissent pas à temps.

Jean Simon Deschamps, chef de service au sein de l’ALEFPA, a évoqué la difficulté pour les seniors de faire entendre leur voix. Dans les maisons relais, comme celle de Piton Sainte-Rose, la fracture numérique reste un frein majeur à l’accès aux droits. L’accompagnement humain par des travailleurs sociaux est donc un élément clé du maintien dans le logement.

Arash Khalatbari, directeur du service Action Logement à la SHLMR, est revenu sur la prise de conscience provoquée par le premier confinement. Depuis, le bailleur a recentré ses priorités sur les besoins des personnes âgées, en particulier en matière de non-recours aux droits. Il a rappelé que toute personne de plus de 67 ans a droit à un minimum de revenu garanti, encore trop peu connu. La SHLMR constate également une hausse des situations médicalisées parmi les relogements, ce qui appelle à une approche différente, en lien étroit avec les associations du territoire.

Gouvernance : une action à structurer

Serge Hoareau, président de l’AMDR, a rappelé que la compétence logement est partagée entre l’État, les collectivités régionales, départementales et communales. Cette dispersion créée notamment des difficultés dans la mise en place d’une gouvernance optimale.

Des programmes financés ne sortent ainsi pas de terre, ce qui peut s’expliquer par :

– Des recours juridiques motivés par une perception souvent négative du logement social, en raison d’une méconnaissance des publics concernés et des réticences à l’implantation de ces programmes à proximité des lieux de vie.
– D’un manque d’implication, face à une multitude de sujets, des maires et élus au logement, dans les échanges en amont.

Conclusion : un appel à la coordination

Ce bilan du mal-logement à la Réunion met en lumière les freins institutionnels, les urgences sociales et les initiatives locales. Tous les acteurs présents s’accordent sur la nécessité d’une stratégie concertée, d’un pilotage renforcé et d’une meilleure coordination entre les parties prenantes.


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